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Les Nouvelles de la Colline
17 octobre 2008

démallons tout

-----Message-----
Claire Pietra a écrit vendredi 17 octobre 2008 à 04:50 am
Objet : prosodiés (six projets)

 

Méridien retrouvé

Texte : Claire Pietra, « Rédac’Orfil »
Musique : Grégory Casal

Sous ces sept traverses de portées musicales, de part et d’autre de l’axe médian, sur lesquelles s'inscrivent les multiples reflets de nageurs obstinés, et qui segmentent mon dos crawlé, immergé en ce monde carrelé, je m’élance.

Autour de la terre, trente trois mille fuseaux horaires,
Google-earth on board is driving me so freaky.

La coupole perd de son éclat, se confond avec le ciel gris, apparaissent, ainsi, à sa surface : les reflets clair argent de l'eau frappée par les projecteurs, les tracés ondulants tout au fond du bassin, sa bordure interrompue pour faire place aux plongeoirs, plots pour prix d'excellence.

Autour de la terre, trente trois mille fuseaux horaires,
Google-earth on board, I’m becoming a bit whacky.

Se détachent dans les remous, à une courte distance, mes deux palmes orthopédiques, mes deux palmes ou douze si nous les comptions ! D'autres baigneurs, pagayant avec fracas, croisent à l'intérieur de ces six caissons miroitant au plafond.

Autour de la terre, trente trois mille fuseaux horaires,
je parcours le monde, vingt mille mètres/secondes.

La pluie éclabousse la voûte vitrée. Des corbeaux, quelques instants, troublent le ballet d’ensemble, puis disparaissent bien avant les nuages, verticales accroches, quasi fixes, draps tendus, au-dessus de mes menus secrets.

Autour de la terre, trente trois mille fuseaux horaires,
Nijni-Novgorod, Sumbawanga, Fianarantsoa.

Une verrière remplace l'ancien toit de la piscine Ed. Pailleron. Attendre la fin des travaux, quelle patience il m'aura fallu, ma chérie ! J'y nage en longueurs mes deux heures de bonheur par jour depuis l'inauguration.

Autour de la terre, trente trois mille fuseaux horaires,
en plongée satellite même si immobile.

Je renverse légèrement la tête vers l'arrière, je rédige ces lignes à l'aide de mes bras balancés. Ma silhouette, allongée sur l'eau, soulignée par la tache sombre du maillot, par six fois, s'affiche sur les écrans.

Autour de la terre, trente trois mille fuseaux horaires,
je m’envoie en l’air, avec toi, mon overprose. (ter)

vendredi 17 octobre 2008 à 04:50 am

 

 

nos mots, Jeannot

Texte : Claire Pietra, « Rédac’Orfil »
Musique d'après Tom Waits

et si je trouve les mots de Jeannot,
peut-être, trouverais-je les miens
pourrais-je lire, qui sait, les tiens ?
mais il dit quoi, Jeannot ? il dit :

mon lit, c’est un donjon
entouré de la douve profonde,
creusée par mes propres mains
avec acharnement, il dit :

je suis Vauban, je fortifie ma citadelle
à quatre pattes pour la rendre imprenable,
je me protège, par l’infranchissable fossé de ma souffrance, 
d’un monde par trop incommuable, il dit :

je poinçonne mon sol,
je lamine contre la prochaine hostilité
de germaniques invasions inévitables ;
avec tous les petits trous de la chanson

moi, Jeannot, je cause cunéiforme ;
de cette écriture primale pour extraire les maux de l’origine,
graffités par un ratier sur le plancher de ma solitude,
je sonde, jusqu’à l’infini, ma mine, il dit :

en enfer, c’est une rivière incandescente,
elle enchâsse un des rochers-lits escarpés de Dante
sur lequel, damné de l’inutile comédie,
je m’accroche, il dit :

des limbes océaniques,
entre les cornes du caprin,
le souffle tenace sur les cordes tendues par un sauvage
fait résonner les sensations caves de mon crâne, il dit :

entendez-vous ce vent vibrer
à travers la multitude des trous de ma flûte-parquet
juste au-dessous de mon corps allongé ?
je vais me coucher,

je plonge dans le causse racleux mes plantes de pied ;
la caresse confirme, active, la carte perforée
d’un système binaire, complexe et sophistiqué ;
c’est la partition musicale retranscrite sur les cartons d’orgue ;

je la rejoue à chacun de mes passages obligés
je m’allonge, et depuis l’oreiller, je jauge Styx ;
la menace file-là, tranquille,
la brasse paisible, il dit :

c’est mon Danube devant Zemun ;
avec ma longue vue, tout en haut de la tour de garde,
je scrute l’arrière-pays, par-derrière la crénelure,
les garnisons oublieuses et avinées sommeillent en bas dans le marais ;

aux aguets, sur l’avant-poste de Beograd, marche de la chrétienté,
juché sur mon cénotaphe, armé de ma seule corne de brume, vigilant,
j’alerte le quidam en cas de mouvements suspects
dans la tumultueuse marée de joncs alentours, il dit :

les interminables alignements de ronds dans les encres brunes de Vincent Van Gogh
interrompent les radicales rangées de traits ; ses paysages japonisants
comme mes incantations maléfiques, pour l’inexpert abusé, falsifient la redoutable trace
des impacts en mitraille, innombrables et puis il dit :

la chambre, la chambre close,
mon ultime refuge à moi, avant la mort : l’antichambre ;
je me lève à pas d’heure, mes pieds nus, aussitôt,
replongent dans l’œuvre en cours mais dans ce cours de l’œuvre,

à la chute du sommier, je retombe dans le flux du lit magistral ;
immuable, mon écriture est toujours là,
aux quatre pieds du lit, comme ma douleur,
inaltérable, il dit :

jeudi 27 novembre 2008 à 04:56

 

 

O. murs nus

texte : Claire Pietra , « Rédac’Orfil »
musique d'après Joseph Haydn

Dans la chambre aux murs nus
Lacée serrée lacérée
Dans un corset, émue
Quand m'enlaceras-tu ? (bis)

O. murs nus (bis)

Le temps s'étire infini
Main de velours sur ma peau
Pages après pages
je lis L'histoire d'une femme sans nom (bis)

O. murs nus (bis)

Par la fenêtre entrouverte
Sur le jardin désert
Les branches de l'arbre pénètrent
Sous ma peau comme des fers (bis)

O. murs nus (bis)

Promesses inutiles
Dans la pierre aux dents dures
Les paroles sont futiles
Qui dit j'aime a perdu (bis)

O. murs nus (bis)

Dans la chambre aux murs nus
Lacée serrée lacérée
Dans un corset, émue
Quand m'enlaceras-tu ? (bis)

O. murs nus (bis)

dimanche 23 novembre 2008 à 08:27

 

chiche

texte : Claire Pietra, « Rédac’Orfil »

viens, tu viens chéri, chich', mais
après Gérard avec qui j'écris
que des tas d' trucs hardis, ah si si
après Alain qu'on en grille une
comme deux frileux sur le parvis, zipo zip'
après Cyril que toutes admirent
curieux mâle beaucoup trop loup, hou-hou
après Rico, chef craint d' service
pour ses sublim's cuirs, ouille ouille mais
surtout, viens, car si j'oublie 

viens,tu viens chéri, chich', mais
après Jean-Yves avec qui j' marche
à vive allure, nos jambes, han han
après Marc, mon number one
à qui, c'est fou, tout réussi, tout
après Raoul, même qu'il m'aime
ce mari d' génie, le mien, hihihi
après l' grand Léo quand il me prend
dans son auto d'écolo, new bouh mais
surtout, viens, car si j'oublie

viens, tu viens chéri, chich', mais
après André avec qui j' danse
ce que c' tch'tchène bouge, tant pis toupie
après m'sieur Louis, ça, c'est papa
qu'est tout'l' temps pas du tout content, brrr na
après Thierry, parc' que si p'tit
qu'avec moi, l'est assez gentil, au dodo
après François, là, j'te suis pas
tu veux pas d' ça, un autre enfant, mouin ouin mais
surtout, viens, car si j'oublie

mercredi 03 décembre à 02:52 am

 

ça veut dire quoi ?

Texte : Claire Pietra, « Rédac’Orfil »

c'est parce qu'il attend des voies spéciales
en direction de l'est parisien
que leTGV traverse le bassin
à la vitesse d’une loco ordinaire

dans un tunnel carnassier qui nous avale, passé Nancy
et quelques caténaires souterrains plus loin,
nous recrache, crac, en plein massif vosgien
entre deux flancs escarpés de montagnes boisés

tu te contentes d’une pause, café allongé
servi avec un carré de chocolat qui se casse 
lorsque je déplie son papier argenté
alors, qu'avec l'autre main, je feuillète Voyages
C'est D'La Joie, le magazine du wagon bar

du haut tabouret rigide et qui tournique
j'approche mon genoux, il frôle le tien, hein ?
derrière tes mails, de jour en jour, tu me cibles
mais, là, assis tout à côté, assis, là, tu restes coi
sans un regard pour moi ou presque ; tu lis
la dernière dépêche de l'Agence France Presse

mais c'est que je te l'ai déjà dit, toi et moi,
je préfère te prévenir, limite dans l'oreille
ça veut dire quoi, quand ta bouche touche
la mienne, tes lèvres sèches et que tes bras cherchent
ou que tes mains sur mes fesses pressent
et que quand tout ton poids sur moi, quoi ?

tu caresses, du dos de la main, le portrait
destiné à ta double page de la femme au fossé,
percutée par un automobiliste qui ne s'est pas arrêté
tu déchires le sachet et renverses les grains de sucre
à côté du gobelet cartonné que tu viens d'écraser
sur la tablette scellée, sous cette putain de vitre blindée

samedi 13 décembre 2008 à 05:15

 

solo

Texte : Claire Pietra, « Rédac’Orfil »

on dirait une musique de film
comme un concertino en fin d'après midi,
un piano caresse la plainte d'un sax
ce doit être encore celui de Tangery

une double allée de chênes bravaches
achemine vers un pavillon de chasse
abandonné au centre d'un paisible airial,
agrémenté de conifères sur une herbe rase
la lumière électrique jaunâtre beigne les six
pièces en enfilade et de plain-pied, c'est la façade

à deux battants, une porte vitrée jusqu'au sol,
grande ouverte, encadre l'homme bec, au cuivre d'anche,
debout, masquant un feu de cheminée, il s'agite,
verre à gros cul suspendu et se pavane au téléphone :
je te dis que je suis parfaitement calme
je n'ai pas bu ! je me distrais un rien, pour qu'une nuit

mises à part deux chaises d'allure antique,
disposées face à la flambée, rien ne gêne ni ne bouge, sauf,
le trompe l'œil de céramiques, motifs gris au sol, labyrinthiques
la patine des boiseries craquelle, tout s'écaille, ici,
les ampoules pendouillent, piteuses, à bout de fils nus

soliste, il enjambe d'un seul pied, le socle du foyer
ses yeux perdus s'attardent, fixent la crête des flammes
qui dansent avec les armoiries forgées, œdèmes à la plaque de fonte
il dispose une bûche, pincée du tisonnier, entre les chenets
et son godet sec retrouve le combiné du à qui au sans fil
le manteau raide orne le tablier de l'âtre, ça l'indiffère

décroche, emprunte un sentier qui disparaît derrière la dune
déchiré par les ajoncs, empêtré dans la bruyère charnue,
englouti sous les genêts, parvenu enfin sur le sommet,
et vertige du ciel étoilé, il tangue avec la houle de l'immense pinède

pendant que ce promeneur noctambule bascule,
abattu sur un épais tapis d'humus, à l'abri du vent fouisseur,
l'étendue de dômes aiguillés, au dessus de laquelle il se trouve pité,
roule sous le souffle marin ; les masses d'eaux océaniques
s'effondrent contre cet interminable front de sable insensible

dimanche 14 décembre 2008 à 00:18 pm

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